Mamou,
Chaque fois que c'est le 7 novembre, ton anniversaire, je ne suis jamais très attentive à ce qui se passe autour de moi, de ce qui se passe ici et maintenant, parce que je prends le temps de ne penser qu'à toi, qui es ailleurs pour toujours.
Je m'enveloppe de tous mes souvenirs de toi, comme une couverture. Les photos, les vieux mails, les lettres encore plus anciennes, les blagues, les anecdotes, les événements, les joies, tout. Je repense à tout. Ça me donne l'impression que tu partages cette journée avec moi, que tu es là, ici et maintenant à côté de moi. Je ne suis pas dingue, je sais que t'es pas là, mais je repense aux émotions d'avant. C’est tout ce qu’il me reste.
Malheureusement, en 20 ans de 7 novembre sans toi, j'ai oublié le son de ton rire, de ta voix, la chaleur de tes bras, de tes baisers, ton sourire, ta douceur. Au début j'avais dit "non, j'oublierai jamais", parce qu'à cet instant, on en est plein, ils sont si forts, on ne s'imagine pas vivre sans, on s'y accroche. Mais tout ce temps sans t'entendre, sans te voir, sans te toucher, les sens ont oublié.
Alors, privée des sensations, je me raccroche aux souvenirs. C’est pas pareil, mais c’est pas rien. Se souvenir que tu riais, c’est pas pareil qu’entendre ton rire, mais ça me rappelle que tu étais heureuse. Se souvenir que tes bras me serraient, c’est pas pareil que sentir leur poids sur les miens, mais ça me rappelle que tu m’aimais.
Maintenant, tu n’es plus la. C’est triste, mais toute ma vie n’est pas que tristesse. Je suis entourée de beaucoup de gens qui m'aiment. Ils m'aiment pas comme tu m'aimais mais ils m'aiment, et ça compte, c'est pas rien, et ça change tout.
Beaucoup de gens, notamment 2 petits qui ne te connaissent pas (d'ailleurs, ça, c'est le plus gros coup de pute de la vie, si on faisait un classement) mais qui me font rire, qui m'embrassent, qui me mettent leurs mains glacées dans le dos pour se réchauffer comme tu me faisais; qui me tripotent le gras des bras, celui qui pendouille en dessous, comme je te faisais. Ces 2 gosses, sans rien faire, juste en existant, ils ont recollé mon coeur. Un peu comme papa recollait les assiettes cassées: ça se voit que s'était cassé, c’est de guingois, y a de la colle qui dépasse des fissures, c'est moins beau, c'est pas comme avant. Mais ca marche, et ça suffit.
Et parce que penser à toi le 7 novembre, c’est se souvenir de ta vie et non pas de ta mort, de ton importance et non pas de ton absence, on fait une fête. Y a un apéro, des plats que t’aimais, un dessert, des fleurs, des bougies, la totale. On regarde des photos, je trouve des ressemblances avec Zoé, je raconte tes blagues avec un succès relatif (“si les portugais sont gais, est-ce que les espagnols sont gnols?”) les gosses en proposent en se demandant si ça t’aurait fait rire.
Tu noteras que je n’ai pas fait le dessert, cette fois-ci. J’ai eu du mal à me souvenir de ton préféré, et j’avais pas envie de passer 4h à le faire de toutes façons, alors je suis allée à la pâtisserie (mais j’ai quand même pris la meilleure de la ville, attention), parce que je suis persuadée que si tu étais ici, ce sont des pâtisseries marocaines que tu aurais choisies. Pas necessairement par préférence, mais pas curiosité et esprit de découverte. Parce que, oui, aujourd’hui, le 7 novembre, ton anniversaire, je m’enveloppe de tes souvenirs, mais ca ne veut pas dire que je reste figée dans ce passé-là. Je l’adapte aussi à mon présent parce que c’est ici et maintenant que moi je suis vivante, et que je t'emmène avec moi.
Allez, mamou, bon anniversaire. Je t’aime jusqu'à la fin de tout.
Vavouchka